Ingrid Betancourt est désormais la dernière femme otage politique des Farc détenue dans la jungle amazonienne. Hier, quatre anciens parlementaires ont été libérés sans contrepartie par la guérilla marxiste. Récupérés dans la forêt colombienne par des hélicoptères portant l'emblème du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ils ont ensuite été acheminés en jets à Caracas depuis la base vénézuélienne de Santo Domingo.
Gloria Polanco, Orlando Beltran, Luis Eladio Perez et Jorge Gechem, qui ont retrouvé leurs proches au Venezuela, doivent être reçus par Hugo Chavez, auprès duquel la guérilla s'était engagée à remettre ses otages, en gage de reconnaissance de ses efforts de médiation.
Détenue dans des conditions inhumaines
Ingrid Betancourt, enlevée le 23 février 2002 par les Farc est, elle, toujours détenue… et les nouvelles sur son état de santé sont alarmantes. A son arrivée à l'aéroport de Caracas, Luis Eladio Perez a en effet donné à la presse des informations inquiétantes sur la Franco-Colombienne, affirmant qu'elle est soumise à des « conditions inhumaines » et se trouve dans une « situation extrêmement difficile ». « Elle est très mal traitée par la guérilla. Cela il faut le dire au monde entier. La guérilla s'est acharnée contre Ingrid Betancourt et elle est dans des conditions inhumaines, entourée de gens qui n'ont rien fait pour lui rendre la vie agréable », a-t-il dit.
Cet ancien otage indique avoir rencontré pour la dernière fois le 4 février dernier l'ex-candidate présidentielle franco-colombienne, enlevée le 23 février 2002. Il a entretenu en captivité une relation d'amitié avec Ingrid Betancourt qui le mentionnait dans son dernier message à sa famille comme son confident.
Selon lui, « il faut d'une manière ou d'une autre réussir à ce que cette situation s'améliore, au moins pendant les jours qu'elle doit encore passer en captivité ». « Elle est très mal, très malade, physiquement épuisée », a-t-il ajouté.
Mercredi soir, le président du Venezuela, Hugo Chavez, a demandé au chef des Farc, Manuel Marulanda, alias « Tirofijo », de transférer de toute urgence en lieu sûr Ingrid Betancourt. Le président vénézuélien a expliqué qu'il allait envoyer un message par les canaux dont il dispose pour tenter d'obtenir sa libération parce qu'elle est « l'unique femme qui reste aux mains des Farc ».
Mais la guérilla marxiste a déjà averti qu'elle attendait désormais un retrait militaire dans les localités de Pradera et Florida (sud-ouest de la Colombie), un corridor d'approvisionnement stratégique dans les Andes, pour poursuivre les libérations, une condition toujours refusée jusqu'ici par les autorités.
Une question de vie ou de mort
« J'appelle les Farc à libérer sans délai Ingrid Betancourt, c'est une question de vie ou de mort. C'est une question d'urgence humanitaire », a déclaré aujourd’hui le président français lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue sud-africain Thabo Mbeki, au Cap. Nicolas Sarkozy a également appelé le président vénézuélien Hugo Chavez à « user de toute son influence » auprès des Farc pour sauver la vie d'Ingrid Betancourt.
« Je suis prêt, comme le souhaite le président Chavez, si c'est la condition de sa libération, à aller moi-même à la frontière du Venezuela et de la Colombie, chercher Ingrid Betancourt si ce devait être une condition des Farc », a-t-il dit. « La France va rester mobilisée jusqu'à la sortie du dernier otage, je m'y engage personnellement. Mais le sort d'Ingrid relève d'un geste humanitaire et non pas d'un accord humanitaire », a-t-il martelé.
Selon le chef de l’Etat français, « c'est aujourd'hui très clairement une course contre la montre qui est engagée. Et chacun est devant ses responsabilités. Il y aura ceux qui ont tout fait pour Ingrid et ceux qui porteront la responsabilité de sa mort. On ne peut plus attendre ». « La France est engagée pour un accord humanitaire une fois qu'Ingrid Betancourt sera libre », a-t-il précisé.
Mélanie Delloye, la fille de l'otage franco-colombienne Ingrid Betancourt, a dit jeudi être « extrêmement angoissée ». « C'est extrêmement inquiétant, et je sais que le temps nous est vraiment compté. Maman est vivante, mais je ne sais pas pour combien de temps, et je sais qu'il faut qu'on la sorte de là le plus vite possible », a déclaré Mélanie Delloye à la radio RTL. « Donc je suis extrêmement angoissée de ce côté-là. J'espère que les Farc et le gouvernement colombien vont faire un accord humanitaire le plus vite possible », a-t-elle poursuivi.
Six otages libérés
Depuis janvier, les rebelles ont libéré six otages sans contrepartie. Le 10 janvier, Clara Rojas, ex-collaboratrice d’Ingrid Betancourt, et la parlementaire Consuelo Gonzalez ont recouvré la liberté à la faveur d'une opération semblable. Les six otages libérés depuis le début de l'année font partie du groupe de 43 otages dits « politiques », dont trois Américains et Ingrid Betancourt, que les Farc ont proposé de relâcher en échange de 500 guérilleros emprisonnés.
Le président colombien Alvaro Uribe a remercié Hugo Chavez pour ses efforts et souhaité que la guérilla libère tous ses otages. Le porte-parole de la présidence vénézuélienne, Jesse Chacon, a estimé que seule une « sortie négociée et politique » mettrait fin à la crise des otages, rejetant toute option militaire.
La libération des quatre otages a été saluée comme une nouvelle « extrêmement positive » par les comités de soutien à Ingrid Betancourt. Le président français Nicolas Sarkozy a jugé que cet acte « positif » allait confirmer « sa détermination à travailler » pour la libération de tous les otages. Les Etats-unis se sont aussi montrés « reconnaissants », tout en qualifiant de « répréhensibles » les actions de la guérilla.