Arche des Zoé : Libres, les membres de l'association continuent de clamer leur innocence
Article du 02/04/2008
Libérés lundi soir, les six membres de l'Arche de Zoé continuent de clamer leur innocence mais restent dans le collimateur de la justice française et doivent toujours indemniser « solidairement », à hauteur de 6,3 millions d'euros les familles des 103 enfants qu'ils comptaient ramener en France.
La France devrait payer ces 6,3 millions d'euros, révèle mercredi Le Figaro, qui publie un fac-similé d'un ancien courrier du gouvernement tchadien en date du 28 décembre 2007.
Le ministre tchadien de la Justice Albert Pahimi Padacké a adressé mardi une nouvelle lettre à son homologue française Rachida Dati par l'intermédiaire de l'ambassade de France à N'Djamena, pour rappeler les engagements du gouvernement français, croit savoir le quotidien.
Dans ce courrier, selon le Figaro, il est précisé que « la compétence d'exécution de la décision de justice tchadienne a été transférée à la France, qui seule garantit l'effectivité du paiement des intérêts ».
Le 28 décembre 2007, Albert Pahimi Padacké écrivait : « nous marquons notre accord pour leur transfèrement vers la France en vue d'y purger leur peine ».
« Ce transfèrement n'éteignant pas le paiement des dommages et intérêts, il est entendu que l'Etat requérant garantit l'effectivité du paiement des dits intérêts civils », poursuivait le ministre dans la lettre que s'est procurée le Figaro.
Regrets
Au lendemain de leur grâce et de leur sortie de prison, des membres de l'association ont commencé mardi à exprimer des « regrets » concernant l'issue de leur équipée au Tchad tout en se disant innocents de la « tentative d'enlèvement » pour laquelle ils ont été condamnés.
« Je regrette ce qui s'est passé et je regrette aussi que cette mission ait été interprétée comme un enlèvement », a confié Philippe van Winkelberg, le médecin de l'Arche de Zoé, libéré lundi dans la soirée de la prison de Draguignan (Var).
Il s'est dit « certain que sur place il y a certainement eu, bien que je n'en aie pas été témoin directement, des ambiguïtés ». Mais selon lui, « il était absolument hors de question d'emmener ces enfants pour une quelconque adoption » par des familles françaises.
Le logisticien Alain Péligat a de son côté exprimé le « regret (...) de ne pas avoir pu ramener les enfants ». « Personnellement, et je ne suis pas le seul dans la bande, on pense aux enfants qui sont restés là-bas, qu'on n'a pas pu ramener », a-t-il déploré.
Si les deux intermédiaires soudanais et tchadien qui avaient travaillé avec l'association sont parvenus à s'évader de leur maison d'arrêt à la faveur de l'attaque rebelle des 2 et 3 février à N'Djamena, les membres de l'Arche de Zoé n'en ont pas fini avec la justice.
Instruction de la justice française
Les six sont visés par une instruction menée à Paris pour « exercice illégal de l'activité d'intermédiaire en vue d'adoption », « escroquerie » et « aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France ». Pour ce dernier chef, ils sont passibles de dix ans de prison et de 750.000 euros d'amende.
Eric Breteau, Emilie Lelouch, Philippe van Winkelberg, et Alain Péligat sont mis en examen. Nadia Merimi et Dominique Aubry sont placés sous le statut de témoin assisté.
Les six avaient par ailleurs fait appel du jugement du tribunal de Créteil convertissant la peine tchadienne de huit ans de travaux forcés dans le droit français en huit de prison.
Me Mario Stasi, l'avocat de Nadia Merimi, a d'ores et déjà annoncé que cet « appel allait être abandonné, même si cela équivaut à une condamnation définitive ».
Me Jean-Claude Guidicelli, conseil de MM. Péligat et van Winkelberg, a au contraire décidé de maintenir l'appel pour démontrer que ses clients sont « totalement innocents » car ils « ont été trahis de toutes parts, notamment par certains au niveau du Quai d'Orsay ».
Quant à Eric Breteau et Emilie Lelouch, leur avocat, Me Gilbert Collard, s'est demandé s'ils « n'allaient pas maintenir leur appel ». « Mes deux clients ont envie de s'expliquer et veulent être innocentés », a-t-il ajouté.
Indemnisation « solidaire »
Les membres de l'association vont également devoir indemniser « solidairement », à hauteur de 6,3 millions d'euros, les familles des 103 enfants.
Mardi, le Premier ministre, François Fillon, a exclu que la France s'en charge: « Il est hors de question que le contribuable français paie six millions d'euros pour des erreurs que la France n'a pas commises ».
Le syndicat des magistrats du Tchad (SMT) a estimé a contrario que c'était à l'Etat français de « se substituer aux condamnés graciés pour le paiement des dommages et intérêts aux victimes ».
Les condamnés, la plupart aux revenus modestes, auront les plus grandes difficultés à régler chacun un million d'euros.
Les parties civiles tchadiennes devront « confier » le règlement de cette indemnisation à un huissier « qui ira récupérer, auprès de qui il pourra, les sommes d'argent », a expliqué Me Collard.