Chine : La fièvre immobilière provoque la lutte pour la terre
Article du 14/04/2008
Après les zones les plus riches, la Chine la moins développée, celle de l’Ouest, est touchée par la fièvre immobilière et sa lutte pour la terre, source de profits pour les finances locales et les promoteurs mais aussi de conflits et d’injustice.
En mars 2007, le Parlement a adopté une loi historique sur la propriété, gravant pour la première fois la défense de la propriété privée dans le marbre. A la même époque, un couple de Chongqing, dans le sud-ouest, avait fait sensation en tenant tête à un promoteur, devenant le symbole des expropriés du pays.
Un an après, à plus de 200 km de là, à Chengdu, métropole de 11 millions d’habitants en plein boom, d’autres « clous tenaces » (« dingzihu » en chinois, expression pour désigner ceux qui résistent aux expulsions), refusent de quitter leur ancienne usine et leurs appartements-dortoirs, héritage d’une époque collectiviste révolue.
Dans le district de Wenjiang, à la périphérie, une cinquantaine de familles d’ouvriers refusent d’évacuer l’usine de plastique ouverte en 1972 et fermée en 2006, où ils vivent dans des appartements vétustes aux murs infiltrés par l’eau de pluie. L’usine à l’arrêt a été transformée en quartier général de leur lutte où ils diffusent l’ « Internationale » dans un haut-parleur de fortune pour accueillir les visiteurs de passage. Partout, des banderoles et des slogans réclament « transparence, justice et impartialité ». Côté rue, une pancarte présente le projet de résidences, avec au rez-de-chaussée des commerces, dont une surprenante « caviarteria »...
Le représentant des ouvriers tend une lettre manuscrite sur deux pages où il expose ses doléances. Dans l’autre main, il tient son livret bancaire, avec le décompte du versement de son salaire, 250 yuans (23 euros) en moyenne, qui a été suspendu récemment. « J’ai consacré des dizaines d’années à mon travail et maintenant je demande un simple endroit pour me loger, j’ai travaillé toute ma vie mais je ne sais plus où me loger. Pour m’acheter un appartement tout simple, il me faut une somme colossale », a écrit cet homme d’une cinquantaine d’années. On leur a proposé 8 000 yuans, disent-ils. « Mais avec cela, on peut juste acheter une portion de l’espace occupé actuellement par notre lit », s’exclame une femme, affirmant que le mètre carré de la nouvelle résidence se vendra à 3 000 yuans.
Les anciens ouvriers rebelles dénoncent aussi collusion et corruption. Une accusation que la municipalité réfute, affirmant avoir tout fait pour pousser le promoteur immobilier à offrir les meilleures conditions possibles. « Nous avons essayé de jouer les médiateurs, la société de développement n’a aucun rapport avec le gouvernement local, il n’y aucune corruption. Au contraire, nous avons offert des politiques préférentielles pour que l’entreprise puisse offrir de bonnes compensations », explique Wang Qingmei du Bureau de l’économie de Wenjiang.
A Chengdu, ville qui profite à plein de la politique gouvernementale de soutien à l’Ouest chinois, des dizaines et des dizaines de projets immobiliers poussent à l’intérieur de la ville ou à la périphérie. Les promoteurs ont l’imagination fertile et la folie des grandeurs, comme le prouvent les noms de leurs investissements : « My South, Seven Miles », « Toronto Castle », « California Villa », « Future Town », « Parfum levée » (sic)...