L’heure est à l’inquiétude. Une inquiétude que n’a pas manqué de manifester l’élite mondiale des affaires et de la politique réunie jusqu’à hier au Forum de Davos. En pleine tempête boursière, grands patrons et gouvernants du monde entier, soit quelque 2 500 personnes au total, se sont retrouvés dans les montagnes suisses pour constater que le formidable cycle d’expansion des dernières années arrivait à sa fin.
La crise financière et la perspective d’une récession aux Etats-Unis étaient sur toutes les lèvres. Malgré quelques tentatives pour rassurer l’auditoire. Ainsi, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, a assuré sans convaincre que l’économie américaine allait « rester un moteur important de la croissance mondiale ».
Le Premier ministre français François Fillon s’est livré au même exercice : « les fondamentaux de l’économie européenne sont globalement sains et cela vaut particulièrement pour la France », a-t-il dit.
Dans les débats, la tonalité a été franchement plus sombre. Récession aux Etats-Unis, ralentissement en Europe et in fine dans les pays émergents : tel est le scénario qui semble se dessiner aux yeux des experts. Le FMI notamment partage les craintes. « Il y aura un ralentissement sérieux (aux Etats-Unis) et cela appelle une réponse sérieuse », a déclaré le directeur général du Fonds monétaire international. « La crise que nous vivons vient des Etats-Unis mais c’est une crise qui doit être traitée au niveau mondial ».
Dominique Strauss-Kahn a demandé aux gouvernements qui le peuvent de prendre des mesures de relance. « Les pays qui ont des difficultés budgétaires doivent continuer à améliorer leur situation, mais ceux qui ont une assez grande aisance budgétaire doivent voler au secours de la relance d’ensemble qui va sans doute être nécessaire », a-t-il expliqué.
Ce discours marque une rupture dans la bouche d’un patron du FMI à en croire l’ancien secrétaire américain au Trésor, Lawrence Summers : « c’est la première fois en un quart de siècle que le directeur général du FMI demande un accroissement des déficits budgétaires » au lieu du traditionnel appel à la rigueur, a-t-il noté. « Je le félicite et considère cela comme le signe de la gravité de la situation », a-t-il conclu.
En revanche, l’attitude des banques centrales vis-à-vis de cette crise divise davantage. La Banque centrale européenne est durement critiquée en Europe pour ne pas avoir baissé les taux d’intérêt rapidement, contrairement à son homologue américaine. Le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a affiché à Davos un certain fatalisme en affirmant que la « correction » des marchés était attendue et nécessaire. Il s’est de nouveau montré inflexible face aux appels pour baisser fortement les taux à l’image de la Réserve fédérale. Seule la lutte contre l’inflation doit guider l’action de la BCE, a-t-il martelé.
Ce n’est pas faute de vouloir lui ouvrir les yeux pourtant. La ministre française de l’Economie et des Finances, Christine Lagarde, a de nouveau appelé la BCE à prendre en compte la croissance. Et le directeur du FMI a laissé entendre que de nouvelles baisses de taux devraient être possibles.
Par ailleurs, l’ « affaire Société Générale » a jeté sur Davos un coup de froid supplémentaire, en soulignant la fragilité insoupçonnée du système bancaire. La stupeur et l’incompréhension face à cette fraude colossale d’un jeune trader qui a fait perdre 4,9 milliards d’euros à la deuxième banque française étaient les termes qui revenaient le plus souvent dans les bouches des experts de Davos. Peu de responsables politiques et économiques se sont cependant livrés à des analyses et des commentaires sur la question. La prudence était de mise ce week-end.
