Les heures sont difficiles pour le groupe de hautes technologies français, Safran. Alors que la "guerre des chefs" fait rage selon la presse économique, la société est confrontée à ce qui ressemble à de sérieuses irrégularités financières.
En effet, vendredi soir, Safran a fait une annonce pour le moins surprenante : les comptes de la branche Défense et Sécurité pourraient être retraités à hauteur de 100 millions d’euros sur plusieurs exercices. Les soupçons de Safran portent sur la gestion de l’ancien PDG de Sagem Défense et Sécurité, Jacques Paccard, pourtant remercié de ses fonctions le 20 novembre dernier. Quelques jours plus tard, le 29 novembre, Safran déposait contre lui une plainte pour "abus de biens sociaux" soulignant des "écritures comptables irrégulières".
Vendredi, par souci de transparence, le groupe, par voie de communiqué, indiquait que Jacques Paccard "avait licencié, avant son départ, trois personnes dont le directeur financier de Sagem Défense Sécurité" et que "les fichiers informatiques tenus par ce dernier avaient été effacés avant son départ. Après reconstitution de ces fichiers, des investigations ont été entreprises. Il ressort des premières analyses effectuées en liaison avec les Commissaires aux Comptes, et avec l’assistance d’un cabinet d’audit, que des écritures comptables inexpliquées ont été passées par l’ex-directeur financier."
Jacques Paccard s'est déclaré "stupéfait de voir que des informations préliminaires non confrontées et non vérifiées sont divulguées sans aucune concertation avec les instances dirigeantes du groupe. Ces informations sont diffamatoires à mon égard et préjudiciables à la société que j'ai dirigée."
Luttes intestines
Cette découverte ne fait que renforcer le mal être qui a saisi la direction de Safran depuis quelques semaines et qui devrait trouver son épilogue demain lors d’une réunion d’un Conseil de Surveillance. Thierry Breton, ministre de l'Économie, qui est en charge du dossier, a demandé ce week-end à Jean-Paul Béchat, Président du Directoire, et à Mario Colaiacovo, actuel président du Conseil de Surveillance, tous deux en vive opposition, de signer une lettre de démission commune.
Mario Colaiacovo devrait quitter son poste le 15 janvier prochain. Francis Mer, ex-Ministre de l’Economie et ex-patron d’Arcelor, est pressenti pour sa succession. Une fois en poste, ce dernier aura toute latitude pour changer le directoire dans les semaines ou les mois qui suivent. Mario Colaiacovo devrait rester "membre du Conseil de surveillance de la société", précise Safran dans un communiqué daté d’aujourd’hui.
Or cette solution ne satisfait pas tout le monde. Il faut dire que la décision finale reviendra aux actionnaires de Safran : l’Etat possède 25,5 % des droits de vote et les salariés 21 %. Or leurs avis divergent. Les salariés de l’ex-Sagem dénoncent depuis longtemps l’échec de la fusion entre l’ancien électronicien privé et le motoriste public, Snecma, en 2005. S’ils s’opposent à la décision concernant Francis Mer, le remplacement éventuel de Jean-Paul Béchat par Patrick Buffet, directeur général et membre du comité exécutif de Suez, est bien accueilli. "Jean-Paul Béchat, président du Directoire de Safran, a annoncé qu'il quittera ses fonctions au sein du Directoire lorsqu'il aura atteint 65 ans, le 2 septembre 2007", ajoute Safran.
En Bourse, le titre Safran gagne 1,79 % à 17,09 %.
Safran (propulsion aéronautique et spatiale, équipements aéronautiques, défense sécurité, communications) emploie 60.500 personnes dans plus de 30 pays et réalise un chiffre d'affaires supérieur à 10 milliards d'euros.