Pour le président d'Eurotunnel, Jacques Gounon, l'alternative est simple : soit l'entreprise a l'opportunité de "repartir sur de nouvelles bases", soit elle sera placée en redressement judiciaire. Ce qui aboutit dans 90 % des cas à une liquidation. Le plan de sauvetage, adopté hier par le conseil d’administration, est donc indispensable pour la survie de la compagnie franco-britannique. S'il est aussi approuvé par les créanciers puis par le tribunal de commerce de Paris, il deviendra "le" plan de sauvegarde d'Eurotunnel.
La société est placée sous procédure de sauvegarde depuis le 2 août dernier. Point noir : sa dette de 9 milliards d’euros. Depuis l'ouverture du tunnel sous la Manche en 1994, Eurotunnel a été écrasé par des charges financières sans commune mesure avec la trésorerie générée par l'activité commerciale. La cotation du titre Eurotunnel est suspendue depuis mai dernier à la Bourse de Paris.
La dernière mouture du plan sera-t-elle la bonne ?
Ce projet de restructuration vise à créer une nouvelle société, Groupe Eurotunnel, qui lancera une offre publique d'échange (OPE) sur les titres détenus par les actionnaires actuels d’Eurotunnel. Cette nouvelle société souscrira un nouvel emprunt à long terme de 4,16 milliards d'euros auprès d'un pool bancaire international, ce qui permettra de réduire la dette de moitié. "Cela correspond à la réduction de la dette de 54 %. C'est historique. Il n'y a jamais eu d'effacement de dette dans les précédentes restructurations", précise le président. Ce nouvel endettement fera peser sur Eurotunnel une charge d'intérêt aux alentours de 150 millions d'euros par an, soit un montant 2,5 fois inférieur à celle actuelle.
Si cette formule permet d'assurer le refinancement complet des créanciers senior, Tier-1 et Tier-2 (dont le total s'élève à 3,8 milliards d'euros), elle fait peser un effort important sur les détenteurs du Tier-3 et les obligataires (5,4 milliards). En contrepartie de cette concession, ces derniers vont recevoir 352 millions d'euros de cash et pourront souscrire à un emprunt obligataire de 1,87 milliard d'euros, remboursable en actions (ORA) sur une période de 3 ans. Les actionnaires pourront également souscrire des ORA et bénéficier de bons de souscription d'actions gratuites si Eurotunnel atteint ou dépasse ses objectifs 2009. Il n'est toutefois guère probable que les petits porteurs - qui détiennent actuellement 70 % du capital de la société, souscrivent massivement à ces ORA.
Encore faut-il que ce projet de restructuration soit accepté. Des investisseurs tels que Oaktree ou Resurgence ont déjà fait part de leurs griefs. L'association Arco, qui réunit une majorité d'obligataires, avait été la première à dénoncer le projet de plan qui avait été présenté en mai dernier. La part de capital de 13 % pourrait soulever certaines hostilités de la part d’actionnaires. Eurotunnel se réserve la possibilité de racheter jusqu’à 62 % des ORA.
Toutefois, Jacques Gounon prévient : ces propositions seront ses dernières. "Il n'y aura plus aucune négociation avec qui que ce soit", précise le PDG de l'opérateur du tunnel sous la Manche.
Il reste un mois pour décider. Fin novembre-début décembre, les propositions seront soumises au vote du comité des créanciers, regroupant créanciers junior et senior. Une majorité des deux tiers est nécessaire. Les obligataires ne seront que consultés. A défaut de décision, Eurotunnel pourrait être placé en redressement judiciaire.