La cour d'appel de Paris a porté vendredi un coup sérieux au contrat nouvelles embauches (CNE), le jugeant non conforme à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), quelques jours avant la date anniversaire de sa mise en oeuvre, le 4 août 2005.
Créé par Dominique de Villepin quand il était à Matignon malgré l'opposition des syndicats, le CNE est un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) destiné aux entreprises de 20 salariés ou moins. Il débute par une période de deux ans pendant laquelle l'employeur peut licencier son salarié sans avoir à fournir de justification.
La 18e chambre de la cour d'appel, présidée par Jean-Louis Verpeaux, était saisie d'une décision rendue le 28 avril 2006 par le conseil des prud'hommes de Longjumeau (Essonne) qui avait requalifié un contrat nouvelles embauches en CDI classique, jugeant que l'ordonnance créant le CNE était contraire au droit international.
Dans son arrêt, la cour d'appel constate que « durant une période de deux années, le CNE prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement ». Il lui incombe en particulier de prouver le cas échéant le caractère abusif de son licenciement.
« Cette régression, qui va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail dégagés par la jurisprudence et reconnus par la loi, prive les salariés des garanties d'exercice de leur droit au travail », estime la cour.
« Dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier », écrit-elle par ailleurs, jugeant « pour le moins paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements ».
En conséquence, on ne peut considérer « que le délai de deux années institué par l'ordonnance du 2 août 2005 soit raisonnable » au regard de la convention 158 de l'OIT, conclut la cour.
« Aucune législation de pays européens, comparables à la France, n'a retenu un délai aussi long durant lequel les salariés sont privés de leurs droits fondamentaux en matière de rupture du contrat de travail », remarque-t-elle.
« Le gouvernement n'a pas à se prononcer sur une décision de justice. On en prend acte », a-t-on indiqué au ministère du Travail, rappelant que plus de 900 000 CNE ont déjà été signés.
Pour Maryse Dumas (CGT), cette décision « vient signifier que la période d'essai du CNE est terminée » et « conforte l'exigence de la CGT de son abrogation ». « Rien ne justifierait que le gouvernement aille en cassation », a-t-elle déclaré.
Pour Jacky Dintinger (CFTC), cette décision « montre que quand un gouvernement veut imposer une solution sans concertation, il va au-devant de problèmes » et devrait l'encourager à « plus de négociation ».
« C'est un début de jurisprudence », qui « devrait permettre à tous les salariés victimes d'une rupture de CNE de prétendre à des réparations aux prud'hommes », s'est félicité Jean-Claude Quentin (FO).
« L'arrêt de la cour d'appel ne remet pas en question la validité juridique du CNE », a toutefois « relativisé » la CGPME (patronat des PME), tablant sur une « saisie de la Cour de Cassation ».
Les partenaires sociaux ont ouvert une négociation « sur le contrat de travail qui abordera les différents aspects liés à ce débat », a-t-elle en outre rappelé.
Selon une source proche du dossier, le CNE a, depuis sa création, donné lieu à plus de 800 litiges et a des décisions contradictoires: les prud'hommes de Roubaix avaient ainsi estimé en juin, à l'inverse de la cour d'appel de Paris, juridiction supérieure, que le CNE était conforme à la convention 158.